La Philatélie sur toutes ses coutures (volet 1/2)

La philatélie, c'est un monde à part entière. Des collectionneurs passionnés étudient, collectionnent et échangent des timbres du monde entier. Il s'agit d'une activité divertissante et enrichissante qui permet aux collectionneurs de découvrir des informations sur des pays et des cultures variées. Ces collectionneurs peuvent trouver des timbres anciens ou rares qui ont une grande valeur, et ils peuvent apprendre à reconnaître les différents types de timbres et à les classer.

Histoire de Timbres
15. Feb 2023
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La Philatélie sur toutes ses coutures (volet 1/2)

La philatélie, ou art de collectionner les timbres, est apparue pratiquement dès le début de l'utilisation des timbres-poste, au milieu du xixe siècle. Et depuis cette époque, qui n'a pas soigneusement gardé les timbres de lettres provenant d'un pays très lointain ? Qui n'a pas entendu parler du 1 franc vermillon ou rêvé de découvrir une collection oubliée dans un vieux grenier ? Les timbres constituent de nos jours le principal objet de collection, bien avant les cartes postales, les pièces de monnaie, les estampes, etc. En France, on dénombre environ 500 000 collectionneurs de timbres. Populaire, mais non vulgaire, la philatélie anime parfois une part de la vie associative locale, mais elle reflète aussi les goûts et idées reçues, elle influence l'économie nationale et sert plus souvent qu'on ne l'imagine de refuge financier.

La naissance du timbre-poste

Sans revenir sur l'histoire postale, il faut rappeler que les timbres-poste ont vu le jour en Angleterre en 1840, à l'initiative de Rowland Hill. La taxe postale était, à l'époque, payée par le destinataire selon un barème compliqué proportionné à la distance. Un envoi en « port payé » était considéré comme insultant pour le destinataire que l'on jugeait incapable de payer le port. Rowland Hill proposa que la taxe de base soit abaissée à 1 penny (soit 10 centimes-or), quelle que soit la distance, et que le port soit payé d'avance au moyen de vignettes postales. Deux systèmes furent utilisés au début pour acquitter la taxe postale, les vignettes de Mulready – en réalité des feuilles ou enveloppes timbrées –, qui allaient être rapidement abandonnées, et le timbre mobile gommé, que le monde entier allait adopter. Le premier timbre, de couleur noire, représentait une effigie de profil de la reine Victoria, à l'âge de quinze ans, et ne comportait aucune mention du pays d'origine. De nos jours, la Grande-Bretagne est encore le seul pays au monde à n'être identifié, sur les timbres-poste, que par l'effigie du monarque régnant. En même temps que le timbre naissait aussi l'oblitération, sous la forme d'un cachet rouge représentant une croix de Malte, destinée à interdire toute réutilisation. Ces premiers timbres furent mis en vente, le 1er mai 1840, et ils remportèrent immédiatement un vif succès. Dès le 6 mai, ils affranchissaient la moitié du courrier de Londres. Le black penny, classique entre les classiques, est resté l'un des plus beaux timbres du monde. L'exemple de la Grande-Bretagne fut suivi par le canton de Zurich le 1er mars 1843, le Brésil le 1er juillet 1843, le canton de Genève le 30 septembre 1843 ; puis vinrent le canton de Bâle en 1845, les États-Unis d'Amérique et l'île Maurice en 1847.

La réforme postale en France ne fut réalisée qu'en 1848, sous l'impulsion d'Étienne Arago, qui était à ce moment directeur général de l'administration postale dans le gouvernement de la IIe République. Le décret relatif à la taxe de la lettre fut adopté par l'Assemblée nationale et promulgué le 24 août de cette même année. Un tarif unique de 20 centimes avait alors été institué pour toute lettre simple de moins de 7,5 g, sur toute l'étendue de la France, de la Corse et de l'Algérie. La vignette noire représentant un profil de Cérès a été émise le 1er janvier 1849. En parallèle, un timbre de 1 franc a été émis pour les lettres dont le poids allait de 15 à 100 g. Sa couleur vermillon et sa rareté allaient le rendre célèbre.

La Bavière, l'Espagne et le Luxembourg furent parmi les premiers pays à emboîter le pas à la Grande-Bretagne et à émettre des timbres : le 1er novembre 1849 pour la Bavière, le 1er janvier 1850 pour l'Espagne et en novembre 1852 pour le Luxembourg. Ces coins de l'Europe furent ainsi les premiers à suivre le mouvement et à produire des timbres noirs, identiques à ceux de la Grande-Bretagne et de la France. Ces « noirs d'Europe », qui incluent également ceux de la Sardaigne, de la Toscane et de Zurich, font partie des collections les plus rares et prisées par les philatélistes. Ainsi, comme le soulignait Edmond Locard, célèbre médecin légiste et grand philatéliste, « une collection de ces quelques timbres, avec toutes leurs variétés d'oblitérations, représente le summum de la distinction philatélique ».

Fabrication des timbres-poste

Plusieurs techniques sont utilisées pour reproduire le dessin des timbres.

La première technique utilisée en France a été la typographie, où l'encre est déposée par les saillies de l'empreinte. Elle laisse des contours nets, donne des aplats bien foncés et peut provoquer au verso une légère saillie appelée foulage. Très utilisée pour tous les timbres français jusqu'en 1928 et surtout pour les timbres de petite taille jusqu'en 1974, elle a ensuite été remplacée par la taille-douce. 

Dans la taille-douce, procédé noble où le graveur n'a droit à aucun repentir, ce sont les creux, remplis d'encre, qui impriment le papier. À l'examen, l'encre dépasse le plan du papier ; elle est parfois sensible au toucher (comme dans les timbres d'Autriche ou du Liechtenstein). Les aplats, difficiles à réaliser, proviennent de l'entrecroisement de lignes serrées. Cette technique délicate est utilisée en France depuis 1928 ; un grand nombre de graveurs prestigieux l'ont employée (Gandon, Decaris, Combet, Forget en France ; Slania à l'étranger). Elle peut être associée à d'autres techniques plus modernes.

La lithographie est une technique plus simple. Elle n'a été utilisée en France que pendant des périodes troublées, pour les timbres de l'émission de Bordeaux pendant le siège de Paris, ou pour les « Coq » et « Marianne » d'Alger à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le dessin est fait sur une pierre spéciale dont toute la surface polie se trouve en contact avec le papier mais dont seules certaines parties peuvent, en raison d'un traitement chimique, recevoir l'encre. Ce procédé n'est plus utilisé.

L'héliogravure est une technique moderne, purement photomécanique, où l'homme n'intervient plus, et qui donne une reproduction d'une bonne exactitude. Comme pour la taille-douce, l'encre est contenue dans des creux, assez proches néanmoins pour donner de très bons aplats. Elle a été peu utilisée en France (premier timbre en 1966).

L'offset, enfin, technique la plus moderne, dérive du procédé lithographique ; c'est elle qui est utilisée pour toutes les reproductions en couleurs des magazines. Comme pour l'héliogravure, il s'agit d'un procédé photomécanique dans lequel les reliefs portent l'encre, ce qui permet des aplats parfaits et sans foulage. Cette technique convient admirablement à l'impression des timbres polychromes. La France a commencé à l'utiliser en 1987 seulement.

Le style des timbres, plus encore que la technique d'impression, est le sujet qui donne aux timbres le style familier qui permet d'en reconnaître du premier coup d'œil le pays d'origine. C'est ainsi que la France privilégie les paysages touristiques et les portraits, et excelle dans les reproductions d'œuvres d'art. Les timbres de la république fédérale d'Allemagne se caractérisent par des vignettes beaucoup plus abstraites, très souvent symboliques, et reproduisent volontiers une partition musicale avec un texte écrit.

Les différents timbres

Outre les timbres-poste usuels, il existe des timbres dédiés à la poste aérienne, dont l'utilité s'est estompée avec l'arrivée du courrier « prioritaire », des timbres-taxe, des timbres de service et de franchise, des timbres préoblitérés, et ainsi de suite. Certains de ces timbres arborent des bandes phosphorescentes pour faciliter le tri automatique du courrier. Ils sont souvent disponibles en carnets, en « roulettes » de distributeurs, ou bien préimprimés sur des cartes postales, des enveloppes ou des aérogrammes. En France, les timbres à surtaxe sont émis au bénéfice de la Croix-Rouge. Leur support est généralement du papier gommé, qui est parfois filigrané en Angleterre et en Allemagne, et contient parfois des fils de soie en Suisse. Les timbres autocollants, qui ont été initialement émis aux États-Unis, se sont répandus dans de nombreux autres pays pour les tarifs courants. Depuis les années 1970, certains pays ont émis des timbres en or et en argent, ainsi que des timbres en bois et en plastique, à des fins purement commerciales. La forme la plus courante des timbres est rectangulaire, à l'exception célèbre des timbres triangulaires du Cap. Les timbres fiscaux, qui servent à payer des taxes fiscales ou parafiscales, étaient autrefois collectionnés avec les timbres-poste, qui leur ressemblaient souvent. Ils font aujourd'hui l'objet de collections distinctes, bien qu'ils aient moins d'adeptes et leur propre catalogue spécialisé.

Le choix d'une collection

Depuis la naissance de la philatélie, la collection de timbres a beaucoup évolué. Au début, les collectionneurs s'efforçaient d'obtenir un exemplaire de chaque timbre émis dans le monde, peu importe son état (déchirure, pelurage, marges courtes, oblitération maculée, etc.). Mais le nombre de timbres émis étant devenu trop important pour constituer une collection universelle, les collectionneurs se sont tournés vers des époques, des pays, des thèmes, des émissions ou même des timbres individuels. Et l'état des timbres est devenu plus important : on qualifie les timbres oblitérés de « superbes », « très beaux » ou « beaux » selon la taille des marges, la qualité de la dentelure, la fraîcheur des couleurs, la légèreté de l'oblitération, etc. D'autre part, les timbres neufs à gomme intacte sont de plus en plus prisés, car ils n'ont jamais été fixés à un album par l'intermédiaire d'une « charnière » gommée et les collectionneurs les gardent dans des pochettes en plastique qui préservent le verso des timbres. Cette tendance, bien qu'elle soit critiquée, s'est imposée pour les timbres émis depuis 1940.

Timbres neufs ou oblitérés ?

Les timbres neufs, n'ayant jamais été utilisés, sont très appréciés et ont une cote généralement plus élevée. Ils sont faciles à vendre car leur valeur marchande est facilement évaluée. Cependant, ils sont sensibles à l'humidité et peuvent être contrefaits. De plus, leur intérêt pour la philatélie est limité. Les timbres oblitérés évitent ces problèmes, mais peuvent être défigurés par leur oblitération. Leur cote est généralement beaucoup plus faible que celle des timbres neufs et leur valeur est plus difficile à déterminer. Toutefois, certains timbres « classiques » comme le 20 centimes Empire, qui a été émis à des milliards d'exemplaires, peuvent avoir une valeur plus élevée en fonction de la rareté de leur oblitération.

 

La constitution d'une collection

Le collectionneur recherche souvent des émissions philatéliques à travers un héritage, un don, des guichets de la poste, des clubs philatéliques, des négociants affiliés à la C.N.E.P. ou des ventes aux enchères ou sur offres. Pour les pièces d'un certain prix, il fait expertiser celles qui sont simplement signées ou qui font l'objet d'un certificat descriptif avec photographie. Cependant, il se détourne des « souvenirs philatéliques » qui n'ont pas voyagé, des émissions purement commerciales de certains pays dites « abusives », et des pièces qui n'ont pas valeur d'affranchissement. Il recherche plutôt des timbres d'usage courant, qui ont été émis pendant longtemps et en de multiples tirages, et qui présentent différentes variétés d'impression, de papier, de filigrane, d'oblitération et d'utilisation. Pour un pays comme la France, qui a une vaste histoire philatélique, le collectionneur tente de réunir les timbres classiques jusqu'en 1900, sous forme d'oblitérés, ainsi que les timbres émis depuis lors, à l'état neuf.

Les collectionneurs de timbres se tournent avant tout vers leur propre pays, mais il est à noter que certains pays sont particulièrement recherchés pour leur prestigieux et illustres passés : la Grande-Bretagne, la France, leurs anciennes colonies, les anciens États allemands et italiens, la Suisse, le Benelux et l'Allemagne. On peut également constater que ces pays sont parmi les plus riches du monde, ce qui explique leur demande élevée. Toutefois, dans les pays où le pouvoir d'achat est faible et mal réparti, la demande est très limitée. Une exception notable est celle des anciens pays socialistes de l'Europe de l'Est, qui ont produit beaucoup de timbres mais qui ont été peu demandés à l'étranger, bien qu'ils aient été très collectionnés dans leurs pays d'origine. Enfin, l'intérêt pour les timbres des pays d'Extrême-Orient, comme le Japon, la Chine et la Corée du Sud, est grandement lié au développement économique de ces pays.

Faux et truqués

La valeur commerciale très élevée des timbres, et en particulier des premières émissions, a suscité l'intérêt des faussaires ; le plus célèbre d'entre eux étant Jean de Sperati, qui a produit de nombreux faux entre les années 1930 et 1950. Utilisant du papier authentique et un procédé de reproduction dérivé de la lithographie, il a réussi à créer des faux si bien faits qu'ils ont trompé beaucoup d'experts. Malgré leur qualité et leur prix, ils ne sont pas considérés comme suffisamment bons pour figurer dans des collections d'amateurs, à moins que ce ne soit comme faux. Les collectionneurs font maintenant expertiser toutes les pièces importantes, de sorte que le risque de se retrouver avec des timbres faux ou réparés dans sa collection est minime. Cependant, cette possibilité reste pour les petites valeurs modernes, dont la couleur peut être modifiée par des traitements chimiques ou par regommage (on peut parfois distinguer le regommage lorsque la dentelure imprégnée de colle devient très rigide et coupante).

La vogue grandissante de l'histoire postale

Depuis les années 1960, la philatélie s'est éloignée de sa forme initiale de collection de simples timbres, pour se concentrer sur l'histoire postale dans son ensemble. De nombreux facteurs ont contribué à cette évolution : la lassitude face à la tâche fastidieuse de remplir des cases vides, un intérêt pour l'érudition, l'existence de sociétés, de revues et de monographies spécialisées et, enfin, des tendances venues de l'étranger. Il est possible de s'intéresser à l'histoire de sa ville ou de sa région sans devoir dépenser une fortune pour se procurer des pièces rares : en réunissant des lettres courantes affranchies au tarif simple, on peut apprendre à connaître les différents tarifs postaux, les émissions, les systèmes de taxation et les oblitérations (ferroviaires, navales, militaires, etc.). Certaines enveloppes rares proviennent de bureaux particuliers ou reflètent des changements tarifaires spécifiques : par exemple, le tarif du 1er septembre 1871, qui a doublé le port sans préparer de timbre adéquat, ou bien le tarif du 1er janvier 1917, qui a soudainement majoré le port de 50 %. Il existe également un tarif de 5 francs du 1er janvier 1947 qui n'a duré qu'un jour, rendant ses enveloppes fort rares.

La France bénéficie d'un avantage particulier dans le domaine de l'histoire postale : colonies, bureaux à l'étranger, lignes maritimes régulières vers l'Amérique du Sud, le Moyen et l'Extrême-Orient, guerres et bouleversements politiques ont donné à sa collection de timbres une variété unique. Parmi les pièces les plus précieuses de cette collection, on trouve les célèbres « ballons montés » du siège de Paris de 1870-1871, qui ont été les ancêtres de la poste aérienne. En quelques jours, ils ont permis la communication entre la ville et ses deux millions d'habitants et le reste du monde. Bien que seuls les collectionneurs les plus riches puissent se vanter de posséder une lettre de chaque ballon et de chaque destination, toute collection digne de ce nom doit comporter au moins un exemplaire de ces pièces uniques. Dans le sens inverse, ce sont des pigeons voyageurs transportant des photographies réduites, ancêtres des microfilms, qui ont assuré la connexion entre la province et Paris.

Commentaires

Alain Latour
Alain Latour le 16. Feb 2023
superbe article très complet, merci pour ce document riche en source d'informations.

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